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Mot énervant. J'en suis d'accord, même si moi, Cléo
(1) , je suis complice de son usage énervant, avec mon Cyberflash de 1995. Mais…
Mais il y a plusieurs mais.

D'abord, le terme désigne quelque chose pour lequel il n'existe pas de meilleure appellation: la réunion de la micro-informatique, des jeux vidéo, du multimédia et des réseaux (Internet, en pratique), définition que j'avais donnée dans mon dossier de presse de l'été 1995. On pourrait se demander si, défini ainsi, le mot n'appartient pas à une catégorie très prisée des humoristes anglais, celle des solutions à la recherche d'un problème. Pourquoi en effet vouloir regrouper la micro, les jeux vidéo, le multimédia et Internet sous une même bannière, pour ensuite se rendre compte que cette bannière n'existe pas?

Les raisons en sont aussi simples que nombreuses, elle tiennent toutes à ce que tout ça regroupe les différents aspects d'un phénomène unique: toutes ces choses sont apparues à peu près en même temps (la première moitié des années soixante-dix), il y eut donc un avant, et il y a un après. Toutes font partie d'une même filière technique, celle du micro-processeur et du numérique: l'ensemble possède une certaine cohérence interne, ce n'est pas un bric-à-brac. Dans cette filière, les quatre éléments décrivent la partie "grand-public" du domaine. Enfin, mais c'est vraiment pour faire court, la sociologie de ces quatre domaines est grosso-modo la même. Un micro, ça sert plutôt à jouer, mais il y a aussi la console. Internet, ça suppose un micro. Enfin, essayez d'aborder le multimédia sans parler à un moment de Windows ou du Mac….Bref, plutôt que quatre choses séparées, il s'agit en fait de quatre facettes d'un même objet. Comment appeler cet objet? Ben… cyber.

Bien sûr, on peut essayer la métonymie, c'est-à-dire désigner le tout par la partie (Berlin et Rome se sont rapprochés pour traiter du commerce de Gorgonzola). Mais aucun des quatre mots ne peut s'acquitter de cette lourde charge: micro-informatique est trop sérieux pour parler des jeux, qui sont trop modestes pour englober Internet, qui ne pourrait englober les consoles de jeux, et si multimédia a été candidat pour englober le tout, son hérédité chargée (cf ce mot dans Sabir Cyber) l'a empêché de réussir. Il faut donc un autre mot.

Pourquoi cyber? C'est d'abord une très vielle racine, seul l'usage du nom commun "le cyber" étant un néologisme. Cyber provient en droite ligne de kubernos, mot grec qui a donné gouvernail, mais aussi gouvernement, gouverne, gouverneur. En 1831, en France, André-Marie Ampère (génie, bien que Lyonnais, considéré par Maxwell comme le Newton de l'électricité, et qui avait lu l'Encyclopédie à l'âge de 14 ans) crée le mot cybernétique pour désigner "la science du gouvernement des hommes". Le mot n'a absolument pas marché, détrôné par "science politique", ou plus souvent "politique" tout court. Mais en 1948, dans "Cybernetics or control and communication in the animal and the machine" (La Cybernétique, contrôle et communication chez l'animal et la machine, publié à Paris, mais en anglais), Norbert Wiener, mathématicien appartenant au groupe qui a inventé l'ordinateur, donne à cybernétique un sens proche de celui d'informatique (computer science aux Etats-Unis). Mais après un très grand succès pendant vingt ans, la version Wiener, comme la version Ampère plus d'un siècle avant, connut un déclin prononcé au cours des années soixante-dix, malgré son usage par Salvador Dali.
Petite curiosité lexicale, au beau milieu du déclin, dans la période 1977-1982, le mot cybernétique prend fugitivement le sens de "science des systèmes complexes". Ainsi, Henri Atlan en 1979, dans le classique "Entre le cristal et la fumée" (Le Seuil) évoque au sujet de la cybernétique "l'idée de machine et celle d'organisation. Les notions de contrôle, de feedback…" (page 21 de l'édition de poche).
Alors William Gibson vint. La science-fiction, depuis les années cinquante avait baptisé cyborg, contraction de cybernétique et d'organisme, un être mi-humain mi-machine: l'homme qui valait dix milliards, ou tout simplement une actrice avec des seins en silicone et un pacemaker. Mais Gibson va doper la racine cyber en l'utilisant en 1980 dans une nouvelle, puis dans son roman "Neuromancer" (1984). Il désigne par "cyberspace" l'espace fictif constitué par les réseaux de type Internet. Le mot sera reconnu par le Petit Larousse Illustré dans l'édition 1998 sous la traduction "cyberespace". Un mouvement littéraire, l'école dite "cyberpunk", dans la lignée esthétique du film "Bladerunner", va prospérer ensuite pendant une dizaine d'années avant de s'éteindre au milieu des années quatre-vingt dix.

Cyber a donc d'abord évoqué le gouvernement et le contrôle, puis l'ordinateur et le système, enfin les réseaux. Dès 1993, l'hebdomadaire Newsweek crée une rubrique "cyberscope" pour présenter les nouvelles qui ont trait à la micro, à Internet et en général aux applications grand public du microprocesseur.

Et voici comment, du grec à l'informatique, de la politique aux sites web, cette vieille racine a pu, un temps, être synonyme de modernité dans la dernière décennie du millénaire. La mode passera, sûrement, mais restera le problème: comment désigner l'ensemble des techniques issues de la révolution micro-informatique des années soixante-dix et leur usage par les individus? Qui dit mieux que cyber ?

Tendance

Incertaine. Même s'il y a de bonnes raisons d'utiliser le mot, ce sont les mauvaises qui l'emportent, c'est-à-dire celles relevant d'un branché cheap: cybercafé, "passez un Noël cyber grâce à La Redoute", etc… La racine cyber peuple un cimetière de plus en plus fourni: Cyborg, cybernétique, (dans tous les sens du terme), cyberpunk , sont complètement morts. Autant dire "surpatt" ou "épatant". Cyberespace n'aura pas atteint l'âge de raison. Seul cyberculture survit bien: rubriques dans Amazon, livres, débats, et même un "dictionnaire des mots de la cyberculture" chez Belin. Mais cette racine, on l'a vu, a la vie dure. Même démodée, et même irritante quand elle est à la mode, il reste la nécessité de trouver un terme pour l'univers qu'il recouvre. Cyber est donc une valeur de long terme.

Dico

Cyber existe dans toutes les langues européennes. L'anglais et le français, les deux langues de synthèse, l'une germano-latine, l'autre latino-germaine, l'utilisent de la même façon. Quand on est vraiment Germain on dit Kyber, quand on est vraiment Latin, on dit ciber. Le Larousse ne connaissait que cybernétique quand j'ai réutilisé le mot en 1995. Depuis d'autres entrées sont apparues, mais elles sont à mon avis peu durables. Cybercafé, aujourd'hui le plus précis de ces termes, rejoindra bientôt téléclub dans les oubliettes. Mais quel cyberlecteur de cette rubrique sait encore ce qu'était un téléclub?


(1) Ces textes, de septembre 1998 à septembre 2000, ont été publiés sous le pseudonyme de Cléo, personnage virtuel que j’avais créé (et dont j’écrivais les textes) pour l’émission Cyberflash sur Canal Plus.


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