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Le nom de ce sauveur du rayon « TV-vidéo » des grandes surfaces mériterait
une question pour « Qui veut gagner des millions ? ». DVD en effet ne
signifie pas Digital Vidéo Disc ( disque numérique vidéo) mais Digital
Versatile Disc. Et versatile en anglais, ne veut pas dire comme en français
inconstant, changeant souvent d’avis, mais polyvalent, c’est-à-dire ici «
multi-usages ». Appliqué à un individu, l’adjectif est un gros défaut en
français, mais devient une qualité en anglais, une personne versatile étant
au contraire pleine de ressources et de talents. Pourtant l’usage du terme
dans DVD ne résulte pas de la volonté de faire des compliments mais plutôt
d’une guerre sourde entre multinationales. Tout a commencé en 1963 avec la
mise au point par la firme 3M (celle du Scotch adhésif) d’un vidéodisque
stockant quelques minutes d’images. Il faudra trente-cinq ans avant que ça
marche dans le grand public. Entre temps, les Japonais avaient remporté dans
les seventies une des plus éclatantes victoires industrielles, celle des
magnétoscopes VHS. Les deux vaincus de la vidéo, Sony avec son Betamax et
Philips avec son V2000, prirent leur revanche dans l’audio. Il s’allièrent
pour imposer à partir de 1982 leur format DAD (pour Digital Audio Disc, plus
connu ensuite sous les noms de compact disc, CD ou disque laser). En
cherchant bien sur un disque compact ou sur une platine laser, on trouve
encore un logo qui porte la trace de cet ancien nom : un gros « disc » sous
lequel il y a en petit « digital audio ». Ce disque devint ensuite, sous
l’impulsion des deux complices, un support informatique, le cd-rom. En 1991,
Philips, en solo cette fois, en proposa une version particulière, le CD-I (I
pour interactif) qui n’eut pas plus de succès que sa variante destinée à
contenir des films, le CD-vidéo. Mais la bataille dite de la « convergence »
(sous-entendu désignant le rapprochement des techniques des télécoms, de
l’informatique, de l’audiovisuel et de l’écrit) était lancée. Les
magnétoscopes étant en bout de course, ce sont les industriels de
l’électronique grand-public qui tirèrent les premiers, avides de trouver un
produit de remplacement. En 1994, les compères Philips et Sony proposèrent
le MMCD (Multimedia Compact Disc), en concurrence de l’alliance Toshiba -Time-Warner
qui proposait le SD (SuperDensity, avec une majuscule interne). Le premier
présentait deux couches d’informations et le second utilisait les deux faces
du disque. Au premier semestre de 1995, on s’acheminait vers une bataille
confuse ente deux standards. DVD désignait alors l’ensemble des techniques
en concurrence, et le V voulait bien dire vidéo puisque seuls des
industriels cherchant à remplacer la cassette vidéo étaient aux prises. Un
consortium d’industriels de l’informatique menés par IBM s’invita alors dans
la querelle. Après tout, comme le cd-rom avait découlé du cd audio, le futur
support servirait aussi sur les micros pour des logiciels et des données.
Mais, miracle, au lieu d’accroître la confusion, cette irruption d’un
troisième larron poussa tout le monde à s’entendre. En décembre 1995 fut
défini un format commun, le DVD que l’on connaît aujourd’hui, qui comme de
juste pouvait comporter à la fois deux couches et deux faces. Au passage,
pour célébrer un œcuménisme trouvé in extremis, le V devint versatile. Les
multinationales peuvent en effet à la fois changer d’avis, comme versatile
en français, et être pleines de ressources (de compromis), comme versatile
en anglais. |
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