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Le mot vient d'entrer dans l'édition 2001 du Petit Larousse Illustré. Il
figurait déjà dans l'édition 2000 du Dictionnaire Encyclopédique Illustré
d'Hachette. Si les deux dictionnaires signalent bien sûr qu'il s'agit d'un
anglicisme, seul le premier rappelle qu'il est officiellement recommandé de
dire jeune pousse au lieu de start-up, sans aller toutefois jusqu'à
accueillir le mot officiel dans ses pages. La rédaction des deux définitions
est assez différente, mais dans les deux cas il s'agit d'une entreprise,
jeune ou qui se lance, dans un secteur de pointe ou dans celui des nouvelles
technologies, avec l'aide du capital-risque précise Hachette. Bref, des
jeunes qui montent une boite sur Internet, avec sans doute un nom de site en
-oo. Le mot officiel a-t-il une chance de s'imposer ? Aucune. D'abord, parce
qu'une fois de plus il s'avère difficile de traduire dans notre langue ces
damnées mais géniales postpositions anglaises. Ces mots courts, signifiant
le plus souvent un mouvement (up, down, across, etc.) viennent se coller sur
un verbe ou un nom. Le réflexe naturel français, c'est de prendre le nom ou
le verbe, puis d'essayer de le tordre pour tenir compte de la postposition.
En fait il faudrait faire l'inverse, partir de la postposition puis la
colorer avec le verbe. Ainsi une start-up est moins quelque chose qui
démarre (start) en allant vers le haut (up) que quelque chose qui monte mais
qui vient de démarrer. Ne pas voir la différence, c'est confondre un
dragster avec un trolleybus. "Jeune pousse" a un côté bucolique qui donne le
temps au temps, et ce n'est pas ça l'idée. Mais le temps justement que les
start-up entrent au Petit Larousse, les voilà désormais moins à la mode en
France, nourrissant au mieux la nostalgie futile de la mode de l'an dernier,
au pire les ricanements des croque-morts. Car c'est à la mortalité des
jeunes pousses qu'on s'intéresse désormais, à la suite de la "correction"
boursière du printemps dernier. Le mot correction ayant dans le vocabulaire
boursier toutes les pleines connotations que lui octroient le lecteur de
Sade, ou de la Comtesse de Ségur. Mais, même sévèrement corrigées, les
start-up ne vont pas disparaître. Elles ont connu bien d'autres pistes de
danse que le web. D'ailleurs la plupart des dictionnaires américains ne leur
voient pas de rapports privilégiés avec les dites nouvelles technologies. Le
mot est attesté depuis 1845 affirme le Merriam-Webster. Si son usage a pris
une singulière amplitude médiatique avec le début de la micro-informatique,
il y a vingt-cinq ans, il n'y est pas né. La notion de capital-risque
elle-même était connue et largement mise en pratique dès la deuxième moitié
du XIX° siècle, s'agissant, déjà, de deux "nouvelles technologies",
l'électricité et la chimie. La start-up est la base même du capitalisme
selon Schumpeter. Il faut donc féliciter le Petit Larousse de cette entrée
tardive, mais sans faute, à l'orée du XXI° siècle. La raison qui justifie
cette entrée n'est sans doute pas durable, mais le mot, lui, l'est. Sans
perspective de traduction française à l'horizon. Pourquoi pas une innovante
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