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Pendant quatre siècles, virtuel est resté vertueux : attesté dès 1480, il dérivait de virtualis qui désignait en bas latin ce qui reste potentiel, et qui venait lui-même de virtus, la vertu. Avec d’aussi augustes antécédents, même son voyage en Angleterre, daté de 1654 par le Webster (virtual), ne le fit pas varier. L’essor de la science moderne au 18° siècle le vit utilisé en mécanique, puis en optique, dans son sens classique. Mais qui dit optique dit image, et là les choses commencèrent à s’altérer. En 1858 apparut la notion d’image virtuelle qui signifie en gros « image qui semble se trouver là où elle ne devrait pas être ». La vertu du potentiel venait se mêler au pêché du mensonge. Le virtuel allait signifier désormais deux choses à la fois : d’une part ce qui ne s’est pas encore concrétisé dans un fait tangible (lors d’une échappée, un coureur cycliste peut ainsi être le « virtuel porteur du maillot jaune »), et d’autre part ce qui relève de l’illusion construite par un dispositif. Ainsi la « réalité virtuelle », oxymoron volontaire, désigne depuis la fin des années quatre-vingt les procédés de vision d’images numériques en 3D qui tentent d’immerger le spectateur dans l’illusion de la réalité. Par la faute des opticiens, sensés nous faire mieux voir le monde, virtuel est ainsi devenu un mot souvent mal compris. Et c’est allé de mal en pis. Une communauté virtuelle, ensemble de personnes correspondant régulièrement sur le réseau, n’est ni potentielle ni illusoire : ses membres ne passent certes pas leur temps à se rencontrer physiquement tous ensemble, mais c’est le cas de n’importe quelle communauté même pas virtuelle, et ils ont bel et bien des relations. C’est que, poussé par son élan, l’adjectif s’en est allé rivaliser avec « interactif », « cyber » ou « multimédia » pour désigner notamment tout ce qui est se développe autour des micros et d’Internet. Au passage, l’adjectif, comme multimédia, s’est érigé en nom : le virtuel, plutôt utilisé dans les milieux artistiques, où il s’emploie à peu près comme ailleurs le cyber ou le multimédia. Désormais plus du tout vertueux, le mot donne ainsi « Virtual Valérie », un cd-rom porno, mais aussi bien la « banque virtuelle ». Dans un premier raccourci, Sega a déposé en 1994 le préfixe « virtua » pour une gamme de jeux. Les jeux vidéo d’ailleurs usent et abusent du terme sans retenue, sans prendre la peine de le traduire en français il est vrai: on a ainsi des Virtual Chess pour signifier « jeu d’échecs sur micro » comme des virtual soccer, snooker, racer, etc… Presque au terme de sa déchéance, virtuel ne veut plus dire que « sur micro-ordinateur », un cran plus bas, il signifie « sur consoles », et le coup de grâce est donné par Infogrames avec le succès mondial de V-Rallye, où une lettre suffit. Rares sont les mots assez épuisés pour se racornir en une lettre, elle-même ensuite interchangeable, le V pouvant devenir E sans dommage, puisqu’il n’y a plus rien à conserver. Ainsi la « banque virtuelle » fait un peu démodé (1995) ; en 2000, on dira e-banque. Tendance
Les différents sens du mot coexistent, et il conserve le rare
privilège d’être utilisé en philosophie, en informatique, en optique, dans
l’entreprise, chez les commentateurs sportifs ou dans la publicité. Mais il
est à craindre que pour beaucoup ces différents sens ne s’annulent plus
qu’ils s’additionnent. |
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