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Je n'ai rien pu faire, il y a eu un plantage du serveur Plantage, plantade, planter, une des racines quotidiennes que la botanique cyber nous fournit avec la plus grande générosité. Se planter signifie depuis longtemps - la fin des années soixante-dix ? - faire une erreur, se tromper, avoir un accident. Ce sens, qui figure au Petit Larousse Illustré, n'a pas d'origine fermement établie. La piste la plus fréquentable semble être celle de l'argot des musiciens; ballochards (musiciens des orchestres de bal) ou requins (ceux, moins méprisés mais obscurs quand même, qui vivent des studios d'enregistrement), qui désignaient ainsi une fausse note ou, plus souvent, une perte du rythme. Se planter, c'était aussi faire un pain. Pain, plainte, plan, le mot doit sans doute une partie de son succès à sa promiscuité phonétique, notamment avec plan. Mais il est possible que les musiciens eux-mêmes l'aient emprunté à l'argot des aviateurs, tout aussi prolifique: chez eux, une erreur peut avoir pour conséquence de planter l'avion dans le sol, phalliquement enfoncé dans une terre plus funèbre que nourricière. Ashes to ashes. Entre les aviateurs et les musiciens se seraient glissé les motards: Gérard Manset dans "On sait que tu vas vite" en 1975 ne prononce pas le mot, mais c'est pourtant de ça qu'il s'agit. Ainsi, le sexe et le destin, la terre et la musique, se sont penché sur le berceau du nouveau sens du mot planter. Le bébé devint un verbe réflexif: on se plante souvent, on plante peu, hélas pour les berceaux et la démographie. Mais, quand le micro se plante, il y a aussi qu'il vous plante. Ce prolongement funeste plonge le dard du destin informatique dans votre intimité, sans espoir de fertilité, écho des étuis péniens africains ou des propulseurs aborigènes. Il y a de l'éternel là-dedans; le plantage, la plantade, c'est brutal, ponctuel, c'est l'accident pur. Il y a un avant, il y aura peut-être un après, mais c'est une rupture. Mot profond, riche, plantage révèle beaucoup du rapport des humains à l'informatique. On ne maîtrise pas tout, la bête a des cornes, elle peut vous les enfoncer sans prévenir, même si vous êtes un pro. De ce fait, on n'avouera un plantage qu'entre pairs. Le vulgum pecus des utilisateurs n'aura droit qu'à une explication. TendanceLocataire définitif du vocabulaire français. Se planter survivra au destin sans doute plus tourmenté de ses dérivés: plantage, plantade passeront, selon les saisons, mais ce ne sont que les fleurs du nouvel arbre. Dico
Plante vient du latin planta, qui désigne à la fois, comme en
français, la plante du pied et le végétal. Avec le sens d'enfoncer avec le
pied, le verbe planter réunissait les deux sens originels. Bien qu'il soit
passé en anglais dans son sens horticole, le mot n'a aucun équivalent
anglo-saxon dans le sens évoqué ici. Sinon, héritage là aussi de l'aviation,
"my PC crashed", qui se traduit assez bien par "mon PC s'est planté". Mais
crash n'a pas de dimension musicale, ni sexuelle, ni botanique. Le
vocabulaire cyber américain aligne ses divisions de bugs, freeze, kill, halt,
blow up, stop, mais rien qui puisse faire peur au petit Gaulois polyvalent
"se planter". |
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