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Voici un mot qui revient de loin, et qui en profite pour aller nulle part. En pleine gloire aujourd'hui, le mot évoque quand même et d'abord, à une écrasante majorité, le serveur du restaurant. Mais une forte minorité en plein développement croit lui connaître aussi plusieurs sens informatiques. Un serveur est un ordinateur connecté à un réseau de télécommunications, qui contient des informations et des programmes utilisés à distance. Ainsi du "serveur web", mot très faussement précis qui peut désigner pour un technicien une machine dont le rôle est d'héberger un ou des sites web. Mais ce terme, chez les internautes, est utilisé par une sorte de métonymie pour désigner parfois le site web lui-même. Le mot site n'étant pas lui-même très précis, ce n'est pas grave. Mais une phrase comme "le site de X est hébergé sur un serveur allemand" a ceci de particulier qu'elle est souvent une alternative à "le serveur de X est hébergé sur un site allemand". En apparence, c'est l'inverse, mais en fait le locuteur veut dire dans les deux cas la même chose : les informations proposées par X sont techniquement gérées par une entreprise allemande. Ce flottement est aggravé par le fait que les mots informatiques sont désormais utilisés très au-delà du cercle de ceux qui en ont appris le sens. Pour un initié, il y a dix autodidactes. Or les autodidactes ont en commun un respect religieux du langage des initiés et une très forte propension à en populariser la trahison. Il en va ainsi de la notion d'"architecture client-serveur": au départ sans prétention, elle a été construite dans les années quatre-vingt par opposition à une ancienne organisation des réseaux de télé-informatique qui articulait des ordinateurs-hôtes (tout-puissants) et de simples terminaux (crétins). Cette nouvelle "architecture" tenait simplement compte de la baisse du prix des petits ordinateurs qui permettait de répartir "l'intelligence", c'est-à-dire en fait les logiciels, dans tout le réseau, y compris les machines utilisées par, horreur, les utilisateurs. Mais l'expression faisait bien, elle entretenait la distance salutaire entre les ignorants complets et les ignorants à moitié. Plusieurs fées influentes se sont donc penchées sur le berceau de la nouvelle carrière de Serveur . Mais d'abord en anglais, car dans ce nouveau sens, le mot est une traduction de server, qui lui-même vient en droite ligne, depuis le 15° siècle, du français. Déformation à l'origine de servitor (bas latin du 13° siècle), le mot serveur va très longtemps désigner celui qui sert la messe, puis connaître une éclipse, avant de revenir, au 19°, dans le vocabulaire du tennis, du jeu de cartes, enfin dans celui des cafés. Il faudra attendre un arrêté publié au Journal Officiel du 17 janvier 1982 pour consacrer sa nouvelle noblesse. Pour un mot qui voulait dire d'abord esclave (servus), et qui a donné ensuite serf, c'était comme la revanche de Spartacus. TendanceTrès solide. Serveur et site, ces Laurel et Hardy de la net-économie, se nourrissent l'un l'autre de leur imprécision. Site est plus avantageux, serveur a l'air plus malin. Mais les deux font une paire très solide, sans tentation de carrière solo. DicoLa plupart des langues européennes, y compris l'allemand et l'italien, ne traduisent pas server. Moyennant quoi elles parlent un peu français sans le savoir. Comme pour console, browser, scanner, mail, computer et bien d'autres, la profonde complicité du français et de l'anglais dans le sabir cyber mériterait d'être mieux connue pour éviter de perdre du temps dans des querelles inutiles de fausse francisation. |
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