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Plug-in, Add-on, Patch
Le sabir cyber français est moins américain qu'on le croit.
Bien sûr, la réalité décrite par ce vocabulaire est en très grande partie
d'invention américaine. Cela, nos plus belles prouesses linguistiques ne
pourront jamais l'effacer. Mais, beaucoup plus que n'importe quelle autre
langue, nous traduisons. Jamais assez, diront les défenseurs de la pureté
ethnique du français. Toujours plus que les autres grandes langues
devrait-on rétorquer. En Italie une souris est une mouse, en japonais, comme
en allemand ou en espagnol, un ordinateur est un computer, et on pourrait
multiplier les exemples. Mais le plus intéressant est sans doute ailleurs
que dans la quantité de mots traduits. La vivacité du français, à l'orée du
XXI° siècle, se prouve par le fait que de nombreux équivalents français de
mots américains ne sont pas leur simple traduction, mais un véritable point
de vue original du francophone sur la chose en question : ainsi lecteur,
puce, tableur, ordinateur, informatique, planter, ou logiciel. Par ailleurs,
le français peut sans forfanterie faire observer que beaucoup des "nouveaux"
arrivants ont fait leurs débuts, pas toujours obscurs, chez nous. Ainsi de
console, portail, haptique, mais aussi browser (brouter), mail (malle),
computer (le comput) ou scanner (scander). De nombreux autres mots puisent
au considérable fonds commun gréco-latin de l'anglais (langue de synthèse
par excellence) et du français : icône, carte, hypertexte, moniteur ne se
distinguent dans les deux langues que par une voyelle ici ou là. Les mots
véritablement anglo-saxons, largement utilisés ici mais sans traduction
efficace ni racine locale, sont une partie seulement du vocabulaire.
Minoritaire. Et qui ne constituent un précédent que pour ceux qu'au fond
l'histoire de la langue n'intéresse pas. Les autres savent que le français
doit une large partie de son vocabulaire musical à l'italien, l'agriculture
et l'armée empruntent aux Germains, la technique au grec et à l'anglais
depuis fort longtemps.
Il y a pourtant le reste : l'américanisme pur. Passons sur les formes,
jamais durables, de l'américanisme de distinction dans les entreprises ou
les universités. Si le vocabulaire des précieuses ridicules avait du faire
école, cela se saurait. Le plus intéressant est ce qui constitue un
authentique enrichissement du français, là où il n'a pas de génie
particulier. Les logiciels destinés à modifier un autre logiciel en sont un
exemple. Un plug-in (programme "qui vient se brancher sur" ou "se connecter
à") est un logiciel qui augmente ou améliore les fonctions d'un programme
principal. Il est généralement produit par une autre société que celle qui a
produit le premier programme. Par exemple 'Realvideo" est un plug-in des
browsers comme Explorer ou Navigator. Un add-on (addition) peut désigner la
même chose, mais il est généralement produit par l'éditeur initial du
programme principal. Un patch, fonctionne comme les deux précédents, c'est
un programme qui n'a d'utilité que pour ceux qui disposent préalablement
d'un programme commercial. Mais il vient en corriger certains défauts, ou en
augmenter l'utilité. Tous les utilisateurs de micros rencontrent un jour, et
souvent trop souvent, ces trois termes. On proposera sans doute quelque
chose comme "logiciel périphérique" pour plug-in, "programme additionnel"
pour add-on et "correctif" pour patch , mais sans doute en pure perte, mais
ce n'est pas une grande perte. |
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