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Ligne à haut débit, accès Internet haut débit, débit d'un disque dur, dans
le sabir cyber le débit est haut, en hommage sans doute à Charles Trenet. Ce
mot semble tellement aller de soi qu'on ne le remarque plus. Mais on a tort,
car ce discret gagne à être connu. D'abord, débit vient de bitte, avec deux
t, mais bite avec un seul t est de la même origine. Les envahisseurs
normands ont apporté au début du précédent millénaire leur biti, poutre, et
bitte de bois est un pléonasme, car débiter le bois veut dire depuis très
longtemps le transformer en bittes, morceaux de bois allongés. Débiter a
signifié ensuite écouler une marchandise au détail (débit de boissons), mais
aussi un récit (débiter des sornettes). Le débit d'un cours d'eau n'est
apparu que bien plus tard, à la fin du 18° siècle. Au XX° siècle, les
télécommunications ont extrait le mot de son eau pour en faire finalement la
grandeur des autoroutes de l'information. Si aujourd'hui se pose par exemple
la question de la fusion de la télévision et du web, c'est grâce à la
croissance du débit. Mais ce débit-là n'a rien à voir avec celui d'un compte
bancaire, qui, lui, vient du verbe latin debere (devoir) et qui a donné
aussi dette. Ainsi, à la suite de multiples transformations, il existe en
français deux familles de débits sans rapport l'une avec l'autre. Or l'autre
singularité de ce mot est qu'il n'en existe pas d'équivalent anglais.
Outre-Manche, le débit de l'eau est le rate of flow, mais le sabir cyber
local utilisera plus volontiers bandwidth (largeur de bande, ce qui a un
rapport cette fois-ci avec les bits). Dans un contexte technique on parlera
plutôt de throughput, ou plus vaguement d'output. Avec ces –puts, ces bits
et ces bands, le débit anglais mériterait donc plus Pierre Perret que
Charles Trenet. |
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