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Il faut s'y faire, nous n'achetons plus des choses mais des versions de choses. Nous croyons être propriétaire de ce téléphone portable, mais ne nous y attachons pas, l'objet n'est pas pérenne. Bien qu'objet concret, très vite, il sera le sarcophage d'une technologie dépassée, d'un service qui n'est plus fourni. Le même phénomène touche les micro-ordinateurs, les appareils photos, demain les téléviseurs et les voitures. Nous vivons dans un monde de versions. La cause en est évidente : il y a des logiciels partout. Or, là où il y a un logiciel, il y a des versions. Le mot était déjà très utilisé par les fabricants d'automobiles. Mais il a aujourd'hui changé d'axe. Les voitures faisaient semblant de durer si longtemps que le seul axe des versions était l'espace social. Du bas de gamme (souvent ironiquement baptisé "luxe") au haut de gamme (grand tourisme, GTI, S). Les versions s'exprimaient en lettres. Désormais, l'axe, c'est le temps. Et le numérique n'aime que les numéros. Tout commence donc avec la version 1.0 . Pour les programmeurs, c'est l'aristocratie. La version 1, c'est celle où l'on invente. Après s'escrimera la piétaille des correcteurs de bugs, les suceurs de roue de la concurrence. Le vrai héros, c'est celui qui a participé à une 1.0 . En américain, on dit release (soit lancement, l'usage semble venir du show-business), et une des plus grandes étoiles de la nomenklatura cyber, Esther Dyson, a titré sa prestigieuse lettre spécialisée Release 1.0 . Passeport pour un e-diner en ville : "Release 1.0 est à Wired ce que Le Monde est à Paris-Match ". Ce prestige de la version 1.0, la sagesse du consommateur le fuit comme la peste. Plus le numéro de la version est gros, plus le programme sera au point. A tel point que les rusés du marketing sortent parfois des 1.0 qui s'appellent 2.25 ou quelque chose comme ça, c'est plus rassurant. Naît ainsi, chez le paysan du cyber, une culture de la version. Il faut décoder qu'une 3.11b est sans doute une 3.11 corrigée d'un gros bug. Une 4.01 a des chances de faire marcher tout ce qui ne marchait pas dans la 3.11b, mais aura ajouté plusieurs choses qui ne marchent pas encore. Aujourd'hui, le web a popularisé aussi les bétas, versions sans garantie de fonctionnement, dont la plus célèbre (non, ce n'est pas Windows) est aujourd'hui Napster : le programme qui met en émoi l'industrie musicale s'appelle en ce moment version 2.0 beta7. Les plus pointus iront dénicher le numéro de compilation du programme. Microsoft utilise beaucoup le terme de release candidate (RC) pour désigner une version béta prête à être commercialisée. Mais petit à petit, comme pour les voitures et le vin, ce qui s'impose est tout simplement le millésime, avec cette simple trace de l'accélération des temps : ici l'année, et même le mois, sont des unités trop imprécises. TendanceCurieusement, à partir de janvier 1999, la presse "multimédia" française s'était entichée du mot mouture pour soulager l'abus de version dans ses colonnes. La cuisine, et d'une manière générale l'organique, faisant une piètre carrière dans le sabir cyber, ce choc culturel hasardeux ("la mouture 8.11b du driver ATI") s'est raréfié un an après. |
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