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Rien qu'en Sicile, il y a six sites sur les Scythes Peut-être un des mots cyber les plus prononcés de cette fin de siècle, un site (web) ne veut pourtant absolument rien dire. Si l'on essaie de demander autour de soi la définition du mot, on obtient d'abord l'impatience de l'interrogé sur une évidence: un site web, c'est évident, c'est un…un.. Suit un petit vertige devant la falaise, puis, plus ou moins rapidement, des manœuvres de contournement: un site web, c'est un service, c'est un média, c'est un ensemble de pages en html sur un serveur. On s'enfonce plus encore dans le doute quand on note le caractère fractal du mot, puisque qu'une partie d'un site est encore un site (sur ce site, il y a aussi le site des Guignols). Mais pourquoi site? Un site, c'est un lieu, un endroit précis. Le mot appartient au vocabulaire du tourisme (ce site offre un panorama remarquable), de l'urbanisme (le site de la nouvelle gare), du sauvetage (l'hélicoptère est arrivé sur site à 15 heures), on connaît des sites archéologiques, militaires, et l'écologie nous a appris à protéger les sites. Mais un site web se situe dans un espace abstrait, celui des réseaux de télé-informatique, le cyberespace cher à William Gibson. Dans cet espace, la localisation est très problématique. Veut-on désigner par site l'endroit où notre ordinateur est allé cherché les pages que nous voyons sur notre écran? A cette vaine question, il peut y avoir plusieurs réponses, distantes les unes des autres de plusieurs milliers de kilomètres. Ce peut-être un ordinateur directement administré par le producteur des pages, mais aussi le serveur proxy de notre fournisseur d'accès. Le producteur des pages lui-même peut avoir réparti ces dernières sur différents ordinateurs très dispersés, il peut aussi se faire héberger par une entreprise qui elle-même dispose de ressources très nombreuses et qui varient dans le temps. Car les deux bouts de la chaîne, l'utilisateur final comme le producteur initial, sont dans la même situation de flou spatial. Ils ne communiquent d'ailleurs pas du tout directement, et même avec l'organe intermédiaire, le réseau, ils ont des relations techniquement complexes et physiquement inimaginables. La localisation du site est alors presque aussi probabiliste que celle de l'électron. On sait que ça existe, mais il est vain de chercher où c'est précisément. On le voit, même en cherchant bien, on trouvera très peu de mots qui portent aussi mal leur sens que site. Pourquoi alors ce mot? La première explication est historique. A l'origine, un site informatique désignait bien un lieu où il y avait un ordinateur. Grosse bête rare, transpirant dans des salles climatisées, elle utilisait lourdement et ponctuellement l'espace. Militaire, le site était défendu par une armée de surveillance avec de vrais fusils, et servi par une armée de maintenance qui venait réparer souvent le Moloch. D'où la survivance du mot dans "maintenance sur site", écrit en petits caractères dans les contrats d'achats de micros, et qui signifie que, pour une coquette somme, le vendeur s'engage à venir dans votre Sam Suffit réparer la petite bête capricieuse qui s'est plantée. Le site en question c'est chez vous. Mais le site informatique, au départ simple lieu où il y avait une machine, prit de l'abstraction avec la télé-informatique. Un site devint un nœud du réseau où il y avait un ordinateur. Certains de ces sites étaient des serveurs, et c'est de là que provient site web. Mais à l'origine, sur un serveur, au départ militaire ou universitaire, il n'y avait qu'un seul producteur d'informations. Le site de Polytechnique contenait bien la totalités des services de cette école, et par ailleurs ces contenus ne se trouvaient que là. On pouvait donc confondre la chose, le lieu et le service. Le succès ultérieur du mot, loin des sphères restreintes des spécialistes, n'a plus rien à voir avec la technique, ni avec la précision, mais avec l'histoire des idées. L'usage actuel du mot site appartient à la tradition de l'inscription dans l'espace des idées abstraites. Par exemple la "carte de tendre" de Mlle de Scudéry au 17° siècle, au 20° siècle les multiples inventions de la vulgarisation des découvertes de la relativité ou de la mécanique quantique (le trou noir par exemple), ou plus simplement l'Enfer ou le Paradis. La plupart des religions ont éprouvé le besoin de situer dans des lieux concrets (les "Iles fortunées" de Homère par exemple) le destin des hommes après la mort, selon qu'ils auraient ou non suivi leurs préceptes. Ce besoin, est à la fois celui d'une vulgarisation, et d'une efficacité politique. C'est lui qui porte le succès de site web. Mais un facteur ne pourra pas plus porter une lettre à un site web qu'il ne peut la porter en Enfer. Un policier non plus, et c'est ce qui protège la liberté du web. D'ailleurs, c'était justement pour permettre de survivre à la destruction de certains sites militaires que l'on a inventé Internet. TendanceTrès solide. Le mot est commun à l'anglais et au français, il est court, et il n'a comme synonymes que des mots plus maladroits: rubrique, service, serveur, complétés par parfois par web ou Internet utilisés comme adjectifs (le service Internet de la RATP). Site peut aussi être éludé: le web de Canal Plus. Mais, même absent, ses propriétés se font encore sentir. Le mot portail, qui désigne en pratique un gros site web, appartient à la même famille des métaphores spatiales. DicoLe mot est connu dans l'ancien français depuis le début du 14° siècle, altération du latin situs, qui avait aussi donné sito en italien (situation, place, position). Le Petit Larrousse Illustré, depuis 1997, donne deux sens informatiques, dont le 4b est "point de connexion au réseau Internet". Cette définition ne correspond absolument pas à l'usage du terme site web, tel que la donne par exemple le "Dictionnaire encyclopédique bilingue de la micro-informatique" de Microsoft Press: "groupe de documents HTML liés et de fichiers (…) qu'un serveur HTTP met à disposition sur le world wide web". Le Larousse confond en fait un site et un POP, ou point of presence. |
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