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C'est un terme qui semble issu de l'improbable étreinte, dans une cité-U, d'un ingénieur féru de science-fiction et d'une étudiante en grec. Hyper- comme dans cet hyperespace qui, dans Star Trek ou Star Wars, bouche les trous des scénarios en en créant d'autres dans la physique, et texte, ce parent a priori pauvre du multimédia ; hypertexte avait tout pour une carrière de concept, noble et confidentielle, mais sans traduction matérielle. Et pourtant, hypertexte aujourd'hui est partout, puisque c'est lui le HT dans deux des sigles les plus répandus d'Internet, HTML et http. HTML pour hypertext mark-up language, le langage de base qui décrit une page web, et http pour hypertext transfer protocol, le protocole de télécommunications qui permet au world wide web de fonctionner. Le préfixe hyper-, en français, avait surtout été popularisé par hypermarché Un hypertexte est un ensemble de textes reliés par des liens. Ces liens, généralement représentés par un souligné et une couleur différente (le bleu le plus souvent), sont actifs, au sens où si on clique dessus, on affiche le texte correspondant. Naviguer sur le web est ainsi le strict équivalent de se déplacer dans un hypertexte. L'idée en soi n'est pas du tout récente. Celle de la concrétiser grâce aux ordinateurs date de plus d'un demi-siècle. Le principe d'un texte non-linéaire, dont la lecture donne accès à plusieurs auteurs, plusieurs niveaux d'écriture, est en germe dans les textes religieux du haut Moyen-Age. La glose marginale, ces "commentaires dans les marges", dans les reproductions manuscrites de textes chrétiens, ou les commentaires du Talmud de Rachi de Troyes à la fin du 11° siècle en sont des exemples qui tiennent une place importante dans la culture occidentale. Mais ce sont les encyclopédistes qui feront faire à l'idée d'hypertexte son premier bond en avant. Le mot encyclopédie lui-même signifie "circulation dans le savoir" : son projet n'est pas de juxtaposer les connaissances dans un ordre alphabétique, mais de favoriser les circulations d'un domaine à l'autre, sans considérer cela seulement comme un vagabondage ludique et désordonné. Au contraire, pour les encyclopédistes, c'est la texture même du savoir qui est comme ça, son organisation intime. L'idée de texture conduira à celle de Web, avec Tim Berners-Lee en 1989. Entre-temps, en juillet 1945, Vannevar Bush avait publié dans la revue Atlantic Monthly un article fondateur, titré "as we may think". Vannevar Bush, bien que pratiquement inconnu aujourd'hui encore en France, était tout sauf un obscur visionnaire. C'était le patron de la recherche américaine pendant la seconde guerre mondiale. Il coordonnait les travaux de 6000 chercheurs, parmi lesquels Von Neumann, Einstein, Oppenheimer, etc. L'article de Bush, que l'on trouve reproduit sur le web par exemple à l'adresse www.isg.sfu.ca/~duchier/misc/vbush/ posait les bases de l'hypertexte moderne, comme une nécessité pour faire face à l'accroissement considérable des connaissances scientifiques de son époque. La traduction concrète de cette idée dut attendre les travaux d'un Doug Engelbart (inventeur entre autres de la souris, en 1963) et de Tim Berners-Lee. Elle se matérialisa d'abord pour le grand-public sur les cd-roms encyclopédiques (Encarta de Microsoft ou le Dictionnaire Hachette Multimédia sur CD-I dès 1993), avant d'être à l'origine du succès, beaucoup plus considérable, du web. Hypertexte a donné hypermédia pour élargir la notion aux cas où les liens ne donnent pas seulement accès à des textes mais aussi à n'importe quel média, des images ou des sons. Mais ce nouveau terme a peu de succès, et c'est sans doute là une des plus subtiles revanches de Gutenberg sur Mac Luhan, comme disent les journalistes. L'écrit a trouvé avec l'hypertexte une forme qui englobe l'audiovisuel et le renvoie (à tort, les revanchards ont toujours tort) à un statut subordonné d'illustration. TendanceSuccès considérable, mais sa manifestation reste modeste. Hypertexte est partout, mais discrètement, il squatte des bouts de sigles. L'emploi du mot complet fait prétentieux, hors d'un contexte d'enseignement. DicoHypertexte, comme hypermedia, apparaissent très tôt, par rapport à d'autres mots du sabir cyber, dans le Petit Larousse Illustré, dès la première moitié des années quatre-vingt-dix. Si la définition de l'édition 1995 du Larousse est un peu alambiquée (technique ou système qui permet, lors de la consultation d'une base documentaire de textes de sauter d'un document à l'autre…) les choses iront en se simplifiant. Le Hachette 2000 dira système constitué par un ensemble de textes et par des liens qui les unissent. |
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