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« Numérique » est dans le lexique cyber l’équivalent de cet
élève parfait que nous avons tous connu au lycée, excellent dans toutes les
matières, bon camarade, mens sana in corpore sano, mais, au total :
unsuccessful. Tout pour plaire, mais personne ne s’y intéresse. Le genre qui
fait les classe prépa, mais qui n’a pas les concours. Le genre qui a les
concours, mais pas les bons boulots. Bref « numérique » est un échec
lamentable et injuste. « Digital », qui veut dire la même chose en anglais,
se débrouille un peu mieux, avec les mêmes titres de noblesse latines, soit
dit en passant. L’ironie en plus, puisqu’à l’heure des mégaprocesseurs,
digital renvoie au fait que compter, ça commence par compter sur ses doigts
(comme dans prestidigitateur). Mais numérique, par rapport à digital, fait
irrémédiablement scolaire. Serait-il un tout petit peu canaille qu’il
convoquerait les numéros du music-hall pour rappeler que chiffre n’est pas
forcément synonyme d’ennui. En sachant se gominer à l’occasion, il se ferait
un halo des numéros du casino. Mais, numérique est honnête et sérieux. Il
croit que sa technicité à elle seule va emporter l’adhésion. Mais il ne
connaît rien ni aux femmes ni aux foules. Il fait les premières danses, mais
ce n’est pas avec lui que les belles passent au lit. Ainsi, aux débuts du CD audio, « disque numérique » ne fit qu’allumer la chandelle pour « CD laser », puis « laser » tout court, avant que tout simplement CD fasse l’affaire. De même, la « télé numérique » n’a fait flores que tant qu’elle n’existait pas, la réalité commerciale imposant ensuite « Canal Satellite » ou « TPS » (Télévision par Satellite »), le bon vieux spoutnik continuant à évoquer plus que le faux jeune « numérique ». « J’ai Canal Sat », ou « j’ai TPS » étant à la fois plus précis et plus accepté que « j’ai le numérique ». La musique numérique fait bailler, quand la musique MIDI (la même) intrigue. Un caméscope numérique permettra encore, au mariage de la copine d’un cousin, de marquer ses distances par rapport au père du cousin, qui, lui, n’a qu’un analogique. Mais au fond, tout le monde sait que ce n’est que la différence entre le super et l’ordinaire, voire pire : la différence entre le diesel et l’essence. Le mot numérique, pour ses promoteurs, devrait convoquer les promesses du XXI° siècle. Il tend à évoquer, surtout, le trognon de caravane du fâcheux dominical. D’ailleurs, après avoir souhaité son compagnonnage, les plus malins s’en écartent : Bouygues ne claironne plus que son téléphone portable propose un son numérique, et même la photo « numérique » s’enhardit à s’appeler la photo tout court. Alors que ce qu’il désigne triomphe partout, ce grand dadais de numérique marche sur les traces d’un autre brillant raté, l’adjectif « moderne », dans la carrière de l’évidence encombrante. TendanceNumérique n’a aucune chance. Le progrès technique que représente la numérisation de tous les signaux est si avancé que seuls les poches de résistances auront un qualificatif valorisant : ainsi un disque vinyl (analogique) a-t-il déjà une valeur équivalente à un produit « bio ». Dico
La plupart des dictionnaires opposent le terme à analogique
pour se concentrer sur les techniques de calculs. Ils passent à côté du
drame vécu par le mot. Bien que « numéric » ou « numerisch » existent en
anglais et en allemand, ces cousins marginaux vivent à l’ombre de
l’universel « digital », présent mais déconseillé par les dictionnaires
français. |
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