|
|
|
|
|
 |
 |
 |
|
|
|
Normalement, la reconnaissance est l’inverse de l’ingratitude. Mais dans le cyber les contraires se rejoignent souvent. L’usage du mot reconnaissance dans un contexte informatique provoque en effet un réflexe salvateur chez les vieux sages : ils vérifient leurs air-bags, replient leur tête sur leurs genoux et attendent que ça passe. Quand on demande à l’ordinateur de reconnaître quelque chose, tout l’irrite, il ne correctionne plus : il ventile, il disperse, façon puzzle. Il y aurait comme de l’eau dans le gaz, de l’huile dans l’eau, bref de la rupture de paradigme. La reconnaissance de caractères ? Appelée souvent OCR, pour Optical Character Recognition, soit Reconnaissance Optique de Caractères, cette technique digne des Shadoks consiste à scanner un document comprenant du texte et faire réinterpréter l’image obtenue par l’ordinateur pour qu’il la traduise dans un fichier de traitement de texte. En d’autres termes c’est une technique, très faillible, destinée à pallier le manque de bonnes dactylos. Or une bonne dactylo étant une dactylo pas chère, il s’agit soit d’une technique de flemmard soit d’une substitution capital-travail classique dans la lutte des classes. Mais l’ordinateur, bon camarade, ne marche pas facilement dans la combine, il suffit d’essayer un OCR pour s’en persuader. La reconnaissance de formes ? Il s’agit de faire « comprendre » à la machine ce qu’on lui montre à travers une caméra. Le rêve des flics. Mais pour l’instant, quelque chose qui ressemble plutôt aux avions renifleurs. L’implication de la société Elf, pour une fois, en moins. La reconnaissance d’écriture ? Seuls quelques goldens boys ou fondateurs de start-up ayant vendu à temps cherchent la rédemption de tout cet argent vite gagné en s’escrimant à entrer sur leur Palm, à une vitesse qu’on dépasse généralement vers Noël en cours préparatoire, des adresses importantes ou des rendez-vous cruciaux. Un bon ordinateur bien élevé n’accepte qu’une écriture, et encore : celle du clavier. De toutes façons ces petits traîtres frimeurs qui prétendent « reconnaître » l’écriture finissent écrasés sous une fesse dans un cybercafé. La reconnaissance vocale ? C’est l’idée que l’on puisse commander son ordinateur à la voix et lui dicter son courrier. Que les pisse-vinaigre qui trouvent l’informatique ennuyeuse assistent un jour à une dictée sur le logiciel Via Voice par exemple. Ils jouiront, in vivo, d’un spectacle que Charlie Chaplin ou Ernst Lubitsch n’auraient pas boudé. Achille Zavatta non plus. Non l’ordinateur ne re-connaît rien. Il connaît, sans doute, mais tout court. Quant à nos petits problèmes ergonomiques, ce n’est pas tellement qu’il s’en tape, c’est qu’il n’est pas fait pour ça. La coalition des fainéants, des flics, des économiseurs de main d’œuvre et des frimeurs, a beau être impressionnante de puissance et de détermination, sans compter le nombre, il met un point d’honneur à résister depuis déjà fort longtemps. Le mot reconnaissance est donc un beau - quand même - cri de dépit, presque un trépignement, de ceux qui prétendent humaniser l’ordinateur. Les mêmes auraient sans doute voulu que le piano se commande à la voix. L’ordinateur, droit dans ses bottes numériques, rétif à nos interactions analogiques, est en cela d’une bonne nature. Franc du collier. Et c’est peut-être sa façon à lui de nous être vraiment reconnaissant de l’avoir inventé. |
|
|
 |
Copyright 2000-2005 CLVE - Tous droits réservés |
 |
